Cours 6

Chapitre 3

Les fondements pluralistes

de l’esprit sociologique

Sociologie : objets, méthodes, théories.

Les précurseurs des théories sont ceux qui n’ont pas réussi à rassembler les trois éléments de la sociologie.

C’est seulement chez les fondateurs qu’on va retrouver les trois éléments.

Les trois précurseurs :

-        Ibn Khaldûn

-        Karl Marx

-        Frédéric Le Play

Les trois fondateurs :

-        Emile Durkheim (fondateur de la sociologie française)

-        Max Weber (fondateur de la sociologie allemande)

-        William Thomas (fondateur de la sociologie américaine)

Pluralité des origines : Les précurseurs de la sociologie

I.                Ibn Khaldoun (1332, Tunis – 1406, Le Caire) : précurseur avant la lettre, inventeur de la sociologie ?

1. Eléments biographiques

Sa famille est originaire d’Arabie Saoudite et l’un de ses ancêtres est Khalid à Ibn Khaldoun = le fils

                                                                                                                      de Khalid

Khalid avait quitté au 9^e siècle l’Arabie pour aller s’installer en Espagne (musulmane à l’époque), à Séville.

Vers le milieu du 13^e siècle, sa famille émigre et s’installe en Tunisie.

Ibn Khaldoun naît là, au sein d’une famille aristocratique, riches propriétaires terriens (lettrés). Il s’ouvre vite sur le monde des lettres et acquiert un capital culturel important qui lui permettra de devenir un grand penseur.

Il suivit des cours à l’Université Zaytouna – une mosquée qui était la seule à l’époque à enseigner toutes les disciplines scientifiques.

Il a, par ailleurs, eut des fonctions politiques – il fut ministre aussi bien en Tunisie qu’au Maroc. Mais très vite lassé de la politique, il renonce à ses fonctions publiques et décide de se retirer en Algérie pour se consacrer à la méditation et à l’écriture. A cette période, il composa son œuvre fondamentale : « al-Muqaddima » (Prolégomène) = introduction ou préface. Il avait pour ambition une œuvre beaucoup plus grande sur l’humanité, mais n’en a écrit que l’introduction (environ 2000 pages).

2. Originalité de l’œuvre

C’est un ouvrage majeur initialement destiné à servir de « préface » à une œuvre globale qui devait s’intituler « Histoire Universelle ». Cette œuvre a connu une postérité sans égale, aussi bien dans le monde arabo-musulman qu’en occident.

Trois traductions importantes en français :

1. 1862, par le Baron de Slane – première traduction en trois volumes qui avaient pour titre « Prolégomène – historique d’Ibn Khaldoun »
2. 1967, sous l’égide de l’UNESCO (l’ouvrage est donc considéré comme patrimoine universel !), par Vincent Monteil – également en trois volumes, sous le titre « Discours sur l’Histoire Universelle ».
3. 2002, par Cheddadi (sociologue marocain) - publié dans la Pléiade chez Gallimard, sous le titre « Le livre des exemples – autobiographie et Muqaddima »

3. Structure de l’œuvre

Cette œuvre se subdivise en 6 chapitres :

   Chapitre 1 : étude générale de la civilisation humaine avec ses différentes variétés et ses ères culturelles à = anthropologie

   Chapitre 2 : rapport entre civilisations bédouines et citadines à = analyse anthropologique de la vie sociale - rapports entre les mondes traditionnel et ‘civilisé’, les différences de modes de vie,…- Mise en évidence de l’organisation sociale à la base du fonctionnement de chacun de ces mondes (rural et urbain) – anthropologie urbaine ou du monde rural

   Chapitre 3 : étude du pouvoir politique à Analyse du système monarchique et de l’institution du pouvoir politique (califale) – jusqu’en 1925 où Attaturc abolit le califat.

   Chapitre 4 : étude de la civilisation sédentaire (cités et villes) – il développe les termes citadinité et culture citadine à déjà une sociologie urbaine

   Chapitre 5 : analyse des différents moyens d’existence (activités économiques développées par l’homme pr subvenir à ses besoins) – aussi classification des métiers et des occupations lucratives à on trouve donc une sociologie économique et une sociologie des professions (très récent !)

   Chapitre 6 : étude des sciences et des formes de la connaissance – étude et analyse de la façon d’acquérir le savoir scientifique et la manière dont les êtres humains s’instruisent – recensement exhaustif des différentes formes de savoirs humains            à sociologie de la connaissance ou de la science

4. Ibn Khaldoun, historien ou sociologue ?

Tous les critiques sont unanimes pour le considérer comme l’inventeur d’une nouvelle science. Reste à définir plus exactement ce qu’est cette science.

Il est par ailleurs considéré comme le plus original des penseurs musulmans – ce qui explique pourquoi il a du acquérir une reconnaissance mondiale et sa pensée à très vite dépassé le cadre des sociétés musulmanes pour devenir universelle.

Ce sont les auteurs et philosophes arabes qui ont préservé et transmis la culture grecque. Par exemple, les écrits d’Averoes seront la référence sur Aristote.

Du 6^e au 12^e siècle, l’Islam est dans une période faste – riches découvertes intellectuelles – mais ensuite, c’est le déclin de cette culture. C’est dans ce contexte qu’écrit Khaldoun.

Khaldoun est en avance sur son époque, le monde musulman est plutôt mal perçu en Europe et il est peu reconnu. Plus tard, on va l’associer à Darwin (il aurait analyser l’évolution des civilisations / évolutions des espèces), ensuite à Marx (contradictions monde rural et urbain s’apparentent à la dialectique marxiste)[1] à on cherche tjs à se référer à un autre auteur occidental.

MAIS on devrait lire chaque œuvre pour elle-même, en fonction de son auteur uniquement et de son contexte.

On le considère comme le fondateur d’une nouvelle science historique – C’est tout à fait vrai ! On peut considérer cette œuvre comme une œuvre historique.

MAIS la perspective adoptée dépasse le cadre de l’H et touche à la fois à l’anthropologie et à la sociologie.

à Certains disent qu’il est l’inventeur de la sociologie, bien qu’il ne la nomme pas à c’est-à-dire le signifié avant le signifiant. C’est pourquoi il continue à appeler cette nouvelle science H.

ð     Khaldoun s’intéresse à l’étude générale de la vie sociale, au-delà de sa seule dimension historique. Il part d’un postulat important selon lequel l’homme est fait pour vivre en société.

! EXAMEN : si on utilise des références du portefeuille de lecture, c’est un point positif ! à à avoir lu !

5. Objet et méthode de la nouvelle science

L’Histoire (faute d’autre terme pr désigner cette nvlle science) a pour objet l’étude de la société humaine, c’est-à-dire de la civilisation universelle. Elle traite de ce qui concerne la nature de cette civilisation, à savoir :

-        la vie sauvage (anthropologie)

-        la vie sociale

-        les particularismes dus à l’esprit de clan

-        les modalités par lesquelles un groupe humain en domine un autre

Replacée dans le contexte de l’époque (13-14^e), cette énumération de l’objet de l’H constitue une formulation révolutionnaire puisque cette nouvelle science ne cherche plus seulement à décrire les faits mais à en rechercher les causes, elle s’efforce d’accéder à la vérité, à connaître le pourquoi et le comment des événements.

L’objet de cette science est donc l’homme dans ses composantes sociales et culturelles, car pour l’auteur, l’homme est un être social (Zon Politicon – Aristote). Ce qui signifie que l’on ne peut se passer d’organisation sociale (cité).

Khaldoun tente d’analyser cette nature de l’homme qui fait de lui un animal social, un animal politique – On pensait à l’époque que cette organisation était le fruit de la volonté divine, et l’auteur tente ici de démontrer que certaines règles sociales sont indépendantes de Dieu et que c’est au scientifique de trouver ces règles régissant l’organisation sociale.

La méthode consiste à rechercher les causes.

6. Les concepts fondamentaux de la sociologie d’Ibn Khaldoun

Les outils, concepts pour analyser cette réalité : l’œuvre foisonne de concepts nouveaux, certains parlent même de vocabulaire khaldounien

                                                                                   ‘Umrân Badoui

‘Umrân                                               Bashari                        (Bédouin, nomade, rural)

(civilisation, culture)                (humain)                                 DYNAMIQUE entre les deux

                                                                                   ‘Umrân hadhari

                                                                                   (citadin, urbain)

Il y a souvent un concept que l’on peut associer à un auteur (ex : Bourdieu = habitus – qui cherche à

                                                                                          concilier le subjectif et l’objectif,

                                                                                          l’individuel et le collectif).

ð     ‘Asabiyya :

-        esprit de corps

-        esprit de clan

-        feeling group

Ce concept d’esprit de groupe va lui permettre d’analyser cette dynamique entre le monde urbain et le monde bédouin

–       Rural : basé sur un esprit de clan très fort, les relations sociales sont basées sur les relations de parenté. Plus on s’approche de la cellule familiale de base, plus cet esprit est fort à C’est ce qui caractérise le plus l’organisation sociale bédouine.

–       Urbain : l’esprit de corps s’amenuise car les liens ne sont plus basés sur les liens de sang, la solidarité est très faible.

                                                                                              Organique (rural)

Plus tard, Durkheim distinguera deux types de solidarités

                                                                                              Mécanique (industrielle)

à Le type d’analyse est semblable

! Caractère novateur de cette analyse de Khaldoun au 13^e siècle !!!

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[1] Yves Lacoste, un auteur marxiste, a écrit un livre sur Khaldoun : « La Découverte », 1967. Il y interprète l’œuvre de Khaldoun à la lumière de la théorie marxiste.