Anthropologie 3

Publié le par Gautier

 

COURS DU 6 MARS : ABSENT (si quelqu’un a les notes dactylographiées, si il/elle pouvait me les envoyer. Merci beaucoup :-))

 

Anthropologie biblique

 

1.    L’Homme

 

 

Dans le monde ptoléméen dont la théologie défend l’image selon laquelle tout a été conçu pour l’Homme, être parfait, en principe, combinant à la fois esprit (qui renvoie au divin) et matière (renvoyant à l’ordre du temps, de la mort, de l’animalité), il apparaît que l’Homme est profondément ambigu : selon qu’on choisit de la voir comme être divin ou animal soumis à la durée, au temps, au mal, on trouve des textes avec des anthropologies en contrastes les unnes par rapport aux autres.

 

Texte d’un liégeois du XVIIème, Maigret[1].

 

Il y a ici un choix que fait l’occident pour sa spiritualité qui discrédite l’ordre matériel[2]. Ce qui apparaît dans le texte de Maigret, c’est qu’à l’origine, l’homme était parfais, modèle de l’univers à l’image de Dieu. Le péché dans l’anthropologie biblique joue un rôle essentiel : il permet d’expliquer le mal en nous, la mort et le mal en général (c’est une notion fondamentale)

 

Les théologies protestantes pensent qu’à la suite du péché originel, ce n’est pas seulement l’homme qui va être entraîné vers le mal, mais aussi l’univers tout entier. Puisque l’univers est une émanation de l’Homme, il semblait logique de croire que la perversion qui a induit le péché dans la conscience de l’homme soit également transmise au monde[3].

 

Pourquoi y a-t-il le mal ? Dans une perspective religieuse, surtout : comment Dieu a-t-il pu autoriser le mal, sachant qu’Adam et Eve allaient pécher ? Il en est responsable. Dit ainsi, ça semble logique que, très tôt, dans l’histoire de la religion, s’est développée une pensée manichéenne : Dieu serait bon et mauvais, deux principes en lutte constante, laissant gagner l’un tour à tour. Dès lors, on reste sans réponse.

 

Leibniz essaie de répondre à cette question dans une théodicée (fin du XVIIème siècle) qui servira de base au XVIIIème[4] : Dieu avait le choix entre créer un monde parfait qui impliquait l’Homme parfait étant en mesure d’exercer pleinement sa liberté. Qu’Adam ait choisi le mal n’exclut pas qu’il aurait pu choisir le bien. Ce n’est pas le meilleur des mondes possibles, d’accord, mais il est tout de même préférable à un monde où l’Homme serait un automate sans aucun choix, sans pouvoir décider d’être pour ou contre Dieu (C’est là le péché de l’Homme). Dieu a donné la liberté de choisir.[5]

 

La culture a toujours tenté de résoudre le mal, même si elle en fait. C’est là une chose spécifique à l’occident que de justifier toutes ses actions par des raisons éthiques (guerre, licenciement, etc) On a une conscience aiguë de ce qui est juste ou pas, et nous avons peur de commettre une injustice (héritage de notre passé judéo-chrétien). C’est un point important dans le principe d’identité de l’Occident : cette hantise de la mort. Tout l’Occident s’est élaboré un langage symbolique dont le but est d’éloigner le mal qui semble encore absolu, et donc la mort.

 

Un des caractères universels de l’Homme est l’incapacité à gérer correctement la pensée de la mort. Pourquoi meurt-on ? Il n’y a pas de réponse.

La philosophie bouddhiste est bien plus pessimiste que la nôtre : selon lui, l’idéal serait de n’avoir jamais existé : la matérialisation du néant dans la vie est le mal absolu. La pensée de Bruno est le mal ! Ce sont des questions qui sont d’autant plus importante que notre intelligence est bornée, et l’absence de réponse nous oblige à continuer à chercher.

 

2.    Relation entre l’homme et le cosmos

 

 

Cette relation a été décrite par la science du XVIème siècle qui va fonder tout un savoir sur ce qu’on appelle la théorie des signatures[6].

 

o     Philosophie atomiste

 

Avant Aristote (ou en parallèle), il y avait des philosophies atomistes : il n’y avait que des atomes qui, mus par un mouvement, finissait par s’accrocher où se repousser, en faisant des formes qui peuvent s’emboîter et donner des résultats. C’est ainsi qu’on peut lire, chez Epicure (et surtout chez son disciple Lucrèce), comment la nature a formé une main, puis un œil, et une tête, séparément sans but[7]. Evidemment, cette approche a été refusée par l’Eglise qui a préféré le substantialisme d’Aristote.

 

o     Substantialisme d’Aristote

 

Depuis Aristote, on pense que tout ce qui constitue l’ordre naturel est constitué de quatre éléments fondamentaux : l’eau, le feu, la terre et l’air.

Comment a-t-il pu tout réduire à quatre éléments ?

 

-        La cire serait du feu figé dans une sorte de terre et d’eau (puisque avant de brûler, la cire fond)

-        Les métaux vont subir la même opération : ils fondent, mais ne brûlent pas. Curieusement, la nature liquide des métaux semblent plus important que la nature solide. Ils serait de l’eau cristallisée dans de la terre. Moins il y a d’oxyde lors de la fusion plus le métal se rapproche de l’eau. (Le plomb est plus terreux que l’or…)

-        Pour l’Homme[8], il faut ajouter deux qualités à chaque élément : froid, sec, chaud, humide. On pense, en effet (Hippocrate, Galien) que l’homme est composé de terre (chair, os), de feu (colère, bile, sang), d’air (esprits vitaux) et d’eau (liquide). C’est ainsi que la prédominance d’un élément caractérise un état psychologique : mélancolique, sanguin, colérique et flegmatique. Mais une « overdose » d’élément entraîne la maladie. C’est ainsi qu’apparaît la médecine : lorsqu’on a de la fièvre, i faut manger de la laitue (composée d’eau) ou tel poisson (pas tous : les écailles sont en effet trop terreuse)

 

Ca paraît basique, mais la médecine a été vue jusqu’à Descartes comme un équilibre[9]. A l’âge classique, ça comprenait le monde, mais surtout pour soigner et guérir, voire même rendre immortel. C’est l’époque où les alchimistes sont toujours en quête de la pierre d’immortalité. C’est un rêve inscrit profondément dans l’anthropologie biblique : pourquoi ne pas revenir à cet état de perfection qui existait avant le péché ?

 

Pour appuyer les analogies entre le corps de l’homme et le monde, les savants du XVI et XVIIème siècle vont dresser des listes de correspondance, entre homme et éléments du monde, mais également entre homme et animaux (au-delà de la simple constitution substantielle)[10]

 

Ceci dans une double intention : l’animal peut, évidemment, entrer dans un système diététique. Mais on vit sous une certaine conviction venant des philosophies platonicienne et de l’Eglise selon laquelle on devient ce qu’on mange. Cette volonté d’établir des relations est née d’un soucis d’exégèse psychologique : on est convaincu qu’un homme qui a des traits de ressemblance avec un lion aura son caractère, etc.

 

La physionomie (Aristote)  a eu un très grand succès. Un des maîtres était Della Porta. Cette science oubliée pendant 150 ans retrouvera un grand succès à la fin du XVIIIème avec un auteur suisse : Lavater[11]. Acceptant l’homme comme animal social, il faut pouvoir détenir les clefs pour voir le caractère des autres.

 

Pour Platon, on admettait que la spiritualité de l’Homme conjuguait trois espèces d’âme :

-        L’âme végétale (permettre à l’être de croître et de se reproduire)

-        L’âme sensitive (propre à l’animal, sensation expression des émotions)

-        L’âme rationnelle (propre à l’homme, point sur lequel Descartes se réfèrera pour mieux comprendre les relations et les non-relations qui existent entre l’Homme et l’Animal)

 

C’est aspect des choses est important car toute anthropologie se construit par rapport à un autre[12] : pour s’identifier, l’Homme se cherche une proximité avec la plante, l’animal, etc. La pensée de l’animal est perçue comme un miroir et un contre-miroir de l’Homme. L’inquiétude que suscite la science de l’animal est fondamentale des occupations anthropologiques dans les sociétés occidentales.

 

 

3.    L’Homme et la plante

 

 

C’est dans ce domaine que l’on remarque la théorie des signatures : la forme de l’arbre, des fruits, de la couleur. Il y a toute sorte de signe montrant que c’est destiné à l’Homme[13] : le monde est créé pour l’Homme, c’est normal qu’il y ait des analogies entre le microcosme et le macrocosme.[14] La plupart des thérapies traditionnelles repose sur des logiques semblables : 90% des médicaments sont d’origine végétale.

 

A côté de la théorie des signatures, l’Homme choisit également des plantes grâce à sa racine génétique[15] (Les singes savent se guérir avec une dizaine de plantes)

 

Il faut dire que la réflexion sur les plantes a été plus loin qu’une simple approche fonctionnaliste au XVIème siècle. Cyrano de Bergerac, en reprenant les idées des atomistes, avait imaginé que les pierres vivaient avec une certaine sensibilité. Les plantes sont des pierres et dans les pierres se trouvaient déjà des caractéristiques des plantes[16].

 

C’est la construction de l’anthropologie : à force de faire des analogies entre l’Homme et l’animal, entre l’animal et les plantes …, certains penseurs (dont Cyrano) vont se demander si la différence est si sensible que ça. Il y aurait une continuité.



[1] Voir syllabus : page 122

[2] Nous sommes toujours victimes de ces choix : nos comportements intimes sont marqués par cela. Le corps apparaît, par sa forme périssable, comme quelque chose de difficile à supporter, et d’autres supportent mal en nous (Tabou sexuel, etc)

[3] La violence des animaux à l’égard des Hommes en serait la preuve. De même que certaines plantes sont devenues empoisonnées alors que l’univers était fait pour l’Homme.

[4] Voltaire s’en moquera (Notamment dans « Candide »)

[5] « Cette argumentation vaut ce qu’elle vaut et ne satisfera pas tout le monde » dit Pol-Pierre J

[6] Voir syllabus : page 130

[7] L’épicurisme refuse les causes finales.

[8] Voir syllabus : page 132

[9] Ca donna la diététique, qui se repose sur de fausses analogies, à quoi on ajoute des coups de chance. Le cresson (eau) est donné contre la fièvre (par chance, il contient des substances chimiques contre la fièvre).

[10] Voir syllabus : page 135

[11] Le soucis de comprendre la psychologie de l’autre est également une préoccupation essentielle de nos culture.

[12] Au fond, l’histoire de l’anthropologie pourrait se faire avec une histoire de la pensée de l’animal.

[13] Voir syllabus : page 179

[14] On porte des rubis lorsqu’on a des problèmes de circulation sanguine, de l’émeraude pour les problèmes de fièvre.

[15] Un sorcier africain avait une formule utilisée contre le sida : il avait choisi une plante utilisée par les singes atteints d’une maladie similaire.

[16] Les coraux : pierre vivante ou animal terreux ? Aujourd’hui, on considère que le champignon est le passage entre le règne minéral et le règne végétal.

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